L’application de la transaction pénale élargie entre le 16 mai et le 11 août 2011 et le dossier dit « du Kazakhgate »

le mercredi 16 novembre 2016 20:23 Commissie Justitie
  • Sur le processus législatif

Vous vous souviendrez du processus législatif qui a mené en deux étapes à l’élargissement de la transaction pénale.

  • La loi du 14 avril 2011 portant des dispositions diverses (entrée en vigueur le 16/05/2011, 10 jours après la publication au Moniteur belge du 06/05/2011)
  • La loi du 11 juillet 2011 modifiant les articles 216bis et 216ter du Code d'instruction criminelle et l'article 7 de la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social (entrée en vigueur le 11/08/2011, 10 jours après la publication au Moniteur belge du 1/08/2011)

Ce projet de loi a été introduit à la Chambre le 11 février 2011 en commission des Finances et du Budget.

L’article prévoyant l’élargissement de la transaction pénale a été introduit par un amendement (nr 18) par les députés Servais Verherstraeten, Gwendolyn Rutten, Guy Coëme, Carina Van Cauter, Josy Arens, Raf Terwingen et Philippe Goffin.

Le souhait des auteurs de cet amendement était de permettre l’élargissement de la transaction pénale à des infractions punissables d’une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans.

S’agissant du champ d’application matériel de l’article 216 bis, le texte prévoyait la possibilité d’une transaction pénale « lorsque le procureur du Roi estime, pour une contravention, un délit ou un crime susceptible de correctionnalisation par application des articles 1er et 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, ne devoir requérir qu’une amende ou qu’une amende avec confiscation ».

Cet amendement n’a pas été discuté à la commission Justice de la Chambre et le texte a été voté en assemblée plénière le 17 mars 2011.

Le texte a été évoqué par le Sénat qui l’a soumis à la commission Justice.

Au cours des débats, des professeurs d’universités (Me Raf Verstraeten et Adrien Masset) ont relevé un problème fondamental concernant le champ d’application matériel du texte examiné.

En effet, si un crime est correctionnalisé, selon l’article 80 du code pénal, le minimum de la peine est d’un mois.

Sauf à requérir une peine illégale, le procureur du Roi ne peut donc pas se contenter de requérir une simple peine d’amende. Comme déjà précisé, le régime proposé de transaction pénale n’est possible que lorsque le procureur du Roi estime ne devoir qu’une amende ou qu’une amende avec confiscation.

Dans cette mouture, la loi, contrairement aux souhaits de leurs auteurs, risquait donc de ne pas atteindre son objectif car dans les affaires sociales et fiscales importantes il y a presque systématiquement des faux en écritures.

Malgré ces objections, les parlementaires ont décidé de maintenir le texte initial tout en s’attelant immédiatement à la rédaction d’une loi de réparation avec l’objectif que ces deux textes de loi entrent en vigueur en même temps.

Cette loi de réparation a été introduite au Sénat par les sénateurs Christine Defraigne, Francis Delpérée, Philippe Mahoux, Martine Taelman et Peter Van Rompuy.

La justification du champ d’application matériel de l’article 216bis du code d’instruction criminelle renvoyait précisément aux interventions des professeurs d’université Verstraeten et Masset et à leurs objections concernant le champ d’application matériel de la loi.

De ce fait, le législateur s’est donc clairement rallié à l’interprétation du texte initial développé par ces professeurs.

En outre, l’objectif d’une entrée en vigueur effective concomitante du texte élargissant la transaction pénale et de celui de réparation a été rappelé explicitement au cours des travaux parlementaires au Sénat, par le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, et à la Chambre par le député Verherstraeten.

Voici pour le contexte législatif.

Sur la mise en oeuvre des nouvelles dispositions légales par le ministère public et le dossier dit « Kazakhgate »

Le procureur général de Bruxelles m’a fait parvenir la réponse suivante que je traduis :

« Le ministre de la Justice a écrit au collège des procureurs généraux le 2 mai 2011 en communiquant que, pour le bon fonctionnement, il était indiqué que les dispositions de la loi du 14 avril 2011 relative à la transaction pénale ainsi que celles de la loi de réparation à venir (qui était pendante à ce moment-là au Parlement) soient d’application ensemble et que pour l’application de la loi portant des dispositions diverses l’on attende la publication de la loi de réparation. Le ministre demandait au collège de promulguer des circulaires en ce sens.

Sur demande du ministre de la Justice (par la même lettre du 2 mai 2011), les nouvelles dispositions relatives à la transaction pénale élargie ont été discutées au cours de la réunion du collège des procureurs généraux, du conseil des procureurs du Roi et du conseil des auditeurs du travail, sous la présidence du ministre de la Justice et il a été décidé que ‘le procureur général d’Anvers préparerait deux circulaires sur la transaction pénale élargie : une première afin d’indiquer qu’il n’était pas recommandé de faire usage des nouvelles dispositions légales avant que la loi de réparation ne soit entrée en vigueur, et une seconde sur la transaction pénale élargie en tant que telle‘.

Par courrier du 26 mai 2011, le président du collège des procureurs générauxtransmettait au ministre de la Justice une copie de la circulaire qui avait été diffusée par chaque procureur général aux procureurs du Roi et aux auditeurs du travail de son ressort. Dans cette lettre au ministre de la Justice, le président du collège précisait néanmoins, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi de réparation, il rejoignait ses collègues de Bruxelles et d’Anvers pour lesquels la possibilité de recourir à une transaction pénale n’était pas totalement exclue dans l’intervalle mais était soumise à une attention particulière ainsi qu’à l’autorisation préalable du parquet général.

Cette circulaire a été diffusée par le procureur général de Bruxelles le 18 mai 2011 au sein de son ressort. Il s’agit de la circulaire du ressort PG 3/2011 du 18 mai 2011. Cette circulaire peut être communiquée au parlement.

Cette circulaire faisait donc état de la possibilité pour les procureurs du Roi et les auditeurs du travail, dans des circonstances tout-à-fait exceptionnelles, s’ils estimaient devoir proposer une telle transaction pénale, d’adresser au procureur général un rapport circonstancié justifiant ces circonstances particulièreset de solliciter au préalable son accord ».

Dans le dossier en question, l’appel avait été interjeté, après concertation entre le procureur du Roi et le procureur général, contre l’ordonnance de la chambre du conseil du 18 février 2011, en raison du fait que cette ordonnance, outre le renvoi des principaux inculpés, n’était pas conforme au réquisitoire du parquet, la chambre du conseil déclarant une partie de l’action publique irrecevable.

Vu que dans le dossier litigieux la transaction pénale a été appliquée par le parquet général, il n’y a pas de rapport du procureur du Roi au procureur général pour solliciter la transaction pénale.

Je cite le procureur général, toujours en le traduisant :

« Le procureur général et le premier avocat général ont été correctement informés, par le magistrat titulaire du dossier, du déroulement de la procédure ‘transaction pénale élargie’ dans ce dossier.

Le 17 juin 2011, le procès-verbal contenant l’accord de transaction pénale élargie (article 216bis du code d’instruction criminelle) a été signé.

Par arrêt du 30 juin 2011, la chambre des mises en accusation constate que les parties qui avaient accepté l’accord l’ont respecté et constate dès lors l’extinction de l’action publique. »

Le procureur général de Bruxelles, dans le courrier qu’il m’a adressé précise « Deze verruimde minnelijke schikking zou ook nog steeds nà de inwerkintreding van de reparatiewet van 11.07.2011 kunnen worden afgesloten ».

« Concernant le cambriolage entre le 3 et le 6 juin 2011 dans le bureau de magistrat-titulaire au parquet général situé dans le palais de justice de Bruxelles, je peux vous communiquer que la procédure pénale n’ a apporté aucun élément qui pourrait amener à l’identification des auteurs ni permis de faire aucun lien avec les dossiers traités par ce magistrat.

Les autres questions visent l’enquête pénale qui est toujours en cours. Afin de ne pas mettre cette enquête pénale en péril et de préserver la présomption d’innocence et les droits de la défense et au vu du secret de l’instruction, aucune information complémentaire ne peut être fournie. Je peux cependant vous confirmer que l’enquête pénale se trouve dans sa phase finale ».

*

S’agissant du nombre de transactions pénales qui auraient été réalisées pendant la période intermédiaire (entre le 16 mai 2011 et le 11 août 2011), le procureur général de Bruxelles m’a fait savoir qu’il n’existait pas de statistiques officielles permettant de répondre à cette question. Le système informatique (REA-TPI) ne permettait à ce moment en effet aucun enregistrement spécifique de cette transaction.

En effet, ce n’est que suite à l’entrée en vigueur d’une circulaire commune du ministre de la Justice et du collège des procureurs généraux du 30 mai 2012 que les transactions pénales ont fait l’objet d’un enregistrement spécifique afin de permettre au ministère public, en cas de besoin, de faire rapport sur le nombre de transactions pénales ou refusées.

Toutefois, d’une vérification manuelle effectuée auprès des cinq parquets généraux, outre le dossier dont question, il ne semble y avoir eu, dans la période concernée, qu’un seul dossier dans le ressort de la cour d’appel d’Anvers où une transaction pénale a clôturé la procédure pour certains prévenus (les autres préférant poursuivre la procédure).

Je n’ai pas d’autres informations à vous communiquer sur ce point.