Monsieur le Secrétaire-général,
Madame la Directrice générale,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Il y a quelques années, le monde de la finance tremblait encore sur ses bases. Le système financier paraissait soudainement ne pas être aussi sûr que nous l’avions toujours pensé. On a crié haut et fort que le législateur devait à nouveau faire son devoir. Aujourd'hui, près de six ans après le déclenchement de la crise financière en Europe, et bien au-delà, un nouveau cadre de réglementation financière est en chantier, avec une meilleure supervision, une meilleure protection des consommateurs et une protection des dépôts contre les activités de trading à risque. Tout y passe. Le plus important de tout est certainement l’union bancaire, avec une supervision unifiée pour les 130 plus grandes banques européennes, et maintenant aussi un mécanisme de résolution unifié pour les banques en difficulté.
Tant de réglementation va évidemment aussi de pair avec la complexité. Une complexité qui doit nous être expliquée. L'avenir nous dira certainement qu’ici ou là, nous avons trop ou trop peu réglementé, ou que certaines règles ont manqué leur cible. Sans doute aurons-nous à régler certaines choses en cours de route.
Mais si nous prenons un peu de recul, nous pouvons distinguer quelques fils conducteurs majeurs dans le nouveau cadre de réglementation financière. Comme presque toujours, la réglementation financière concerne l’encadrement de risque. Dans la réponse du régulateur suite à la crise financière, je voudrais distinguer – un peu artificiellement – quatre niveaux dans l'encadrement du risque.
I Eliminer le risque structurel du système
Tout d'abord, la crise financière nous a forcés de constater que notre système financier était un géant aux pieds d'argile. La prise de risque excessive était une constante dans le secteur financier dans les jours fastes qui ont précédé la crise financière. La prise de risques excessifs par les banques, avec des bilans aux effets de levier démesurés. Prise de risques excessifs par les traders, qui étaient récompensés pour la poursuite de risques à court terme. Et oui, dans un certain sens, prise de risque excessive par des consommateurs de produits financiers, qui ont trop facilement abandonné à d'autres l'analyse du risque sous-jacent. Il y avait structurellement trop de risques dans le secteur financier, et c’est ce risque structurel que nous essayons d’éliminer du système. Avec une meilleure supervision, avec des exigences de meilleure gouvernance, avec des exigences de capital et de liquidité plus strictes, avec une politique de rémunération actualisée, et une séparation des activités de trading risquées. En Belgique, une nouvelle loi bancaire est actuellement en discussion au Parlement, et elle devrait apporter une réponse globale aux excès de risque de la crise. Cette loi bancaire a pour objectif de restaurer la confiance dans le système. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvions remettre sur pied à court terme le système financier et notre économie.
II Information financière
C'était une première étape, systémique. Mais la confiance devait aussi être restaurée à un niveau transactionnel, en facilitant, pour le consommateur financier, l’évaluation correcte des risques lorsqu’il souscrit à un produit financier. Les transactions financières comporteront toujours une part de risque. Les consommateurs de services financiers doivent pouvoir faire une saine évaluation du risque. Ce qui nous amène à une deuxième étape, qui consiste à éclairer le consommateur sur le risque d'un produit financier.
Prenez le consommateur qui achète cer qu’on appelle un paquet de produits, dans lequel se trouvent différentes valeurs sous-jacentes, avec différents degrés de risque. L'exemple-type est un fonds commun de placement. Pour le consommateur, il est difficile de pouvoir en évaluer le risque. A l'avenir, ce devrait être plus facile. Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen sur les packaged retail investment products, le règlement PRIPs, en sont en effet au stade final. Avec PRIPs, un key information document normalisé devrait être diffusé pour les paquets de produits financiers, dans lequel le produit et ses risques sont décrits dans des termes compréhensibles. Tant le vendeur que le conseiller financier qui recommandent un paquet de produits au consommateur de produits financiers, auraient l’obligation de donner au consommateur intéressé un tel key information document.
C'est une évolution positive. Le risque doit être aussi transparent que possible. Les nouvelles règles que nous projetons ne peuvent toutefois pas représenter une charge déraisonnable pour le secteur financier. Le tout est donc de trouver le juste équilibre.
III L'éducation financière
Des règles bien calibrées sont donc une bonne chose, mais les règles à elles seules ne créent pas une sécurité absolue. En fin de compte, le consommateur financier lui-même doit disposer d’une formation financière de base suffisante. C'est la meilleure protection dont les consommateurs puissent bénéficier. Le citoyen doit comprendre les bases de la finance, les principes essentiels de son économie domestique financière.
À cet égard, je tiens à souligner une initiative importante que la FSMA a prise récemment: Wikifin. Wikifin a l’ambition de rendre concrètement le monde financier du Belge un peu plus accessible. Wikifin propose en ligne des réponses concrètes et facilement utilisables aux nombreuses questions fréquemment posées. Des questions que le citoyen se pose dans ses finances domestiques. Le président de la FSMA, Jean-Paul Servais, va certainement aborder le sujet plus en détail tout à l’heure, mais je veux quand même juste souligner ici toute l'importance que peut avoir cet outil. Avec une bonne connaissance de base des finances, l’appréciation de la prise de risque des consommateurs lors des décisions financières ou de l'achat de produits financiers, finira par s’améliorer petit à petit.
Une des voies que peut emprunter l'éducation financière, est de susciter l’enthousiasme du citoyen pour la finance. C’est pourquoi la nouvelle loi bancaire belge contient également un cadre pour le crowdfunding, pour lequel l'obligation de prospectus est supprimée pour le financement à petite échelle d’initiatives souvent locales. L'impact de ce phénomène sur le public va croissant. Nombreux sont les projets pour lesquels on a déjà fait appel au crowdfunding – pour financer un candidat olympique, ou la création d'un jardin public. Je ne vois donc pas seulement le crowdfunding comme un outil de croissance économique locale, mais aussi comme un moyen d'augmenter la participation financière, et du même coup les connaissances financières de nos concitoyens.
IV Protection du consommateur de services financiers
Mais ce n’est pas tout. Le consommateur de services financiers doit aussi être protégé, là où la relation contractuelle entre le vendeur du produit financier et le consommateur est foncièrement déséquilibrée. Nous nous trouvons là dans un paradigme de consommation classique. Ce serait une illusion d’imaginer qu’il suffise de plus de transparence et d'éducation financière pour que le consommateur soit suffisamment protégé. C'est pourquoi, pour citer un exemple, nous avons mis en place en Belgique un moratoire volontaire sur les produits structurés complexes. Nous voulons ainsi limiter les manipulations de marché en Europe.
Voilà donc les quatre manières dont le régulateur a tenté de mieux encadrer le risque. En supprimant les irresponsables comportements à risque du système ; en rendant l’information financière plus accessible pour le consommateur ; en assurant au citoyen une meilleure formation financière ; et enfin, en offrant aux consommateurs financiers une meilleure protection là où c’est nécessaire. Ces quatre axes sont complémentaires.
La substance des nouvelles règles et de nouvelles initiatives doit encore se décanter, mais je suis à présent convaincu que nous avons rendu notre paysage financier moins vulnérable, et que les consommateurs de services financiers sont maintenant mieux protégés.
Je vous remercie.