Un nouveau souffle pour l’aide juridique

le lundi 23 novembre 2015 10:54 Le Soir

Objectifs : limiter les abus, responsabiliser avocats et justiciables et favoriser la médiation. Les bénéficiaires du « pro deo » devront payer une légère contribution. Un fonds spécial d’aide de seconde ligne sera créé et financé par les condamnés.

Une explosion des « pro deo » : c’est ce qu’ont provoqué la précarisation d’une part de plus en plus importante de la population, la judiciarisation croissante de la société et l’introduction en janvier 2012 de la loi Salduz – qui autorise toute personne entendue pour la première fois par un juge d’instruction ou des policiers de se faire assister d’un avocat.

Entre 1998-1999 et 2010 -2011, souligne un rapport édité par l’ULg et l’Institut national de Criminalistique et de Criminologie (INCC), le nombre de dossiers clôturés sous le régime de l’aide juridique a bondi de 229,26 % en Belgique. L’année suivante, la masse de dossiers a encore gonflé de près de 10 %. De quoi malmener les finances de la Justice et mettre en péril l’accès de tous aux cours et tribunaux.

Une réforme s’avérait donc nécessaire : « Le dossier devrait être

soumis au conseil des ministres avant la fin de l’année , souligne le cabinet de Koen Geens (CD&V), ministre de la Justice. L’ensemble a été discuté en détail avec les deux ordres des avocats pendant des mois, dans une très bonne entente. Des contacts ont aussi été pris avec des représentants d’ONG et d’organisations sociales, en particulier avec la Plateforme Justice pour Tous. »

Création d’un fonds d’aide de seconde ligne. Il s’agit, à l’instar de ce qui se fait avec le fonds d’aide aux victimes, de constituer une réserve répondant au nombre croissant de demandes d’intervention et permettant aux moins nantis d’accéder à la justice. Ce fonds devrait être alimenté par les personnes faisant l’objet d’une condamnation criminelle ou correctionnelle.

Instauration d’un ticket modérateur. Afin de responsabiliser les justiciables, ceux-ci devraient mettre – fût-ce symboliquement – la main à la poche. Une première fois lorsqu’ils consultent un avocat sous le régime du « pro deo », ensuite à chaque fois qu’une procédure est initiée devant une nouvelle instance (première instance, appel, etc.). Le montant de cette intervention n’a pas encore été fixé, son but est de décourager le justiciable et son avocat de se lancer dans des combats perdus d’avance ou dont l’enjeu est inférieur au coût de la procédure. Il est aussi d’encourager les modes alternatifs de règlement de contentieux, notamment la médiation. Certaines catégories de justiciables resteraient toutefois exemptées de cette contribution : les mineurs d’âge, les malades mentaux, les demandeurs d’asile, ceux qui introduisent une demande en règlement collectif de dettes, ceux qui ne disposent d’aucun moyen de subsistance… Dans d’autres cas et pourvu que son avis soit motivé, le Bureau d’aide

juridique (BAJ) pourrait lui-même décider d’octroyer des dispenses afin que nul ne soit privé d’une nécessaire action en justice.

Récupération des honoraires. Sous certaines conditions, l’avocat pourra réclamer au bénéficiaire de l’aide juridique, à titre d’honoraires, une quote-part de l’indemnité qu’il aura obtenue plutôt qu’attendre d’être payé « classiquement ». De cette façon, on ne touche pas à l’enveloppe fermée destinée au paiement des « pro deo » en Belgique et le conseil a la possibilité d’être payé plus rapidement. Cette récupération se fera sous le contrôle du BAJ.

Meilleur contrôle des revenus. Aujourd’hui, seuls les revenus des personnes vivant sous un même toit sont pris en compte pour l’octroi de l’aide juridique. Demain, toute source de revenu devrait être prise en compte : revenus mobiliers ou immobiliers, tirés du capital... De quoi mettre fin à certains abus : il arrive, par exemple, que des justiciables bénéficient du « pro deo » pour récupérer des loyers impayés.

Contrôle plus grand des prestations des avocats. Les prestations accomplies font déjà l’objet de contrôles stricts, mais si l’avocat est défaillant, la seule sanction possible est sa radiation de la liste. A l’avenir, ce régime de sanctions devrait être plus flexible, il est notamment prévu de pouvoir infliger des suspensions allant de huit jours à trois mois. L’avocat s’estimant injustement puni pourrait faire appel de ces sanctions.

Promouvoir l’assurance juridique. « Le ministre souhaite également promouvoir l’assurance de protection juridique pour tous ceux qui ne bénéficient pas de l’aide juridique , souligne son cabinet. Sur ce sujet également, des discussions sont en cours avec les ordres et Assuralia. »