Internés : des « patients » à sortir de prison

le mardi 23 février 2016 09:01 L'Avenir

Statut juridique, trajet de soins adapté, le «Pot-pourri III» de Koen Geens veut réformer l’internement. Début des auditions ce mardi en Commission.

Caroline FIXELLES

Ce mardi, magistrats, psychiatres et médecins seront auditionnés en Commission Justice sur le projet de loi relatif à l’internement. Le troisième volet (Pot-pourri III) de la réforme de la justice du ministre Koen Geens (CD&V) prévoit notamment un statut juridique et un trajet de soins adapté pour l’interné.

Les internés, ce sont ces personnes atteintes de troubles mentaux, qui ont commis un crime ou un délit, reconnues irresponsables de leurs actes au moment des faits et qui doivent donc être soignées. On distingue 4 groupes d’internés: les handicapés mentaux, les psychotiques (schizophrènes), les délinquants sexuels et les personnes souffrant de troubles importants de la personnalité (psychopathe).

« À l’heure actuelle, beaucoup trop d’internés sont privés des soins qu’ils nécessitent, remarque Koen Geens. Notre pays a été condamné à maintes reprises pour ce motif, déjà amplement pour 300 000€ et un certain nombre d’affaires sont encore pendantes.» En 2013, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la Belgique en raison de la situation des internés dans les prisons: soins inexistants ou inappropriés, surpopulation, etc.

8% de la population carcérale

Ainsi, sur les 4 265 internés que compte actuellement la Belgique (2 080 francophones et 2 185 néerlandophones), 867 sont logés dans les annexes psychiatriques des prisons. Ils représentent environ 8% de la population carcérale.

Or , «la prison n’est pas le bon endroit pour traiter les troubles psychiatriques», avance Benjamin Delaunoit, médecin chef du centre régional de soins psychiatriques Les Marronniers, à Tournai. Le centre accueille, dans une unité sécurisée, 350 internés avec, comme objectifs, de les soigner et les réintégrer dans la société.

Si le juge ordonne généralement un placement dans un centre psychiatrique sécurisé (comme à Tournai) ou un établissement de défense sociale (comme à Paifve, près de Liège), la majorité des internés sont d’abord placés dans ces annexes pénitentiaires, en attendant un transfert. «Le manque de places disponibles dans nos structures est un fait, constate Benjamin Delaunoit, qui sera auditionné ce mardi en commission. Il faut plus ou moins un an pour arriver aux Marronniers et deux ans pour rejoindre Paifve.» À savoir que la durée de séjour moyenne en institution est de 8 ans et que 400 nouvelles demandes d’internement sont formulées chaque année en Belgique. Le médecin chef précise cependant qu’un certain nombre d’internés sont libérés à l’essai (état mental amélioré) et réinsérés dans la société (à domicile, en institution, etc.) en cours de route.

Orienter correctement les internés

Pour Benjamin Delaunoit, les conséquences d’une telle attente en prison sont désastreuses: «si un traitement spécifique n’est pas mis rapidement en place, l’interné peut perdre des capacités. En outre, le réseau de l’interné (famille, etc.) est complètement détruit en restant si longtemps en prison.» Le ministre de la Justice a pris la mesure du problème et veut sortir tous les internés des établissements pénitentiaires d’ici 2019. De nouvelles places adaptées pour ces internés ont d’ailleurs vu le jour ces deux dernières années (voir cadrée).

«Il est important d’orienter rapidement et correctement les internés, en fonction de leur maladie et du degré de sécurité qu’ils exigent, ajoute Benjamin Delaunoit. Aujourd’hui, cela se fait de manière aléatoire. Or les contextes peuvent être différents en fonction des institutions. Ainsi, Paifve est organisé comme une prison avec des soins ajoutés. Tournai est d’abord un hôpital psychiatrique, la sécurité étant périphérique. Si pour certains internés – je pense aux troubles graves de la personnalité -, un cadre plus sécurisé est essentiel, pour d’autres – comme les déficients intellectuels ou les psychotiques – le contexte carcéral ne convient pas…»

Benjamin Delaunoit assure enfin que des soins adéquats diminuent considérablement les risques de récidives chez les internés et garantissent ainsi une meilleure sécurité.