Rendre les conversations WhatsApp accessibles à la justice ?

le vendredi 26 août 2016 05:00 L'Avenir

Les messageries cryptées telles que WhatsApp et Telegram sont dans le viseur des ministres européens dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Marie-Laure MATHOT

«Utiliser une application de messagerie cryptée est extrêmement important, surtout quand vous parlez à ceux qui travaillent avec vous. » Voilà l’un des nombreux conseils que l’on retrouve dans le manuel du parfait Loup solitaire combattant pour le djihad . L’auteur recommande d’éviter Gmail ou Facebook et de se tourner plutôt vers des outils de cryptage.

De fait, Telegram, une application de messagerie cryptée est devenue l’un des outils favoris des djihadistes pour communiquer. Selon L’ E xpress , quelques jours avant l’attentat dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, Adel Kermiche, auteur de l’attaque, laissait un message vocal sur Telegram: « Tu prends un couteau, tu vas dans une église, tu fais un carnage, bim. Tu tranches deux ou trois têtes et c’est bon c’est fini ».

Comment un message aussi radical et glaçant a-t-il pu être diffusé sans éveiller les soupçons? Grâce au cryptage qui permet de rendre les messages lisibles seulement à ceux qui détiennent la clé pour les décoder.

Voilà pourquoi les ministres de l’Intérieur français et allemand ont demandé cette semaine à la Commission européenne d’encadrer juridiquement les réseaux de télécommunications cryptés, y compris les messageries non européennes. Autrement dit, c’est un peu comme s’ils demandaient pour mettre les suspects sur écoute, mais sur le net.

Accéder à la clé

Concrètement, le tandem franco-allemand demande d’abord à ce que les grands opérateurs tels que Twitter, Facebook ou Telegram soient obligés de retirer les contenus illicites. Une élimination que certains opérateurs effectuent déjà. Par exemple, Twitter a suspendu 235 000 comptes faisant l’apologie du terrorisme durant ces six derniers mois. Google, en Grande-Bretagne, annonçait en février qu’il remplacerait les contenus extrémistes par des liens antiradicalisme.

La deuxième demande des ministres français et allemand gêne plus les grands opérateurs. Il s’agit d’accéder à la clé de chiffrement des messages émis sur ces plateformes dans le cadre d’enquêtes judiciaires… sans toutefois remettre en cause le chiffrement, a précisé Bernard Cazeneuve. Mais pour les entreprises de la Silicon Valley, affaiblir la sécurité de ces messageries laisserait la porte ouverte à tous les types d’attaques, y compris de la part de Daech.

Geens: une approche européenne

Côté belge, le ministre de la Justice, Koen Geens, partage l’opinion des ministres français et allemands et plaide pour une approche européenne sur la question de l’accès aux données de communication cryptées.

Pour Koen Geens, une loi belge ne suffirait pas pour forcer les fournisseurs de services à coopérer. « L’objectif du ministre est d’avoir une approche européenne afin à la fois d’être plus efficace vis-à-vis des providers et des États-Unis mais aussi de faciliter la vie des providers qui sont confrontés à des législations divergentes», informe son cabinet.

Un sommet européen aura lieu le 16 septembre où ces propositions devraient être discutées.