Changer de sexe par le prénom

le vendredi 09 décembre 2016 08:11 Sudpresse

L’envie de changer de sexe n’apparaît pas subitement à l’âge adulte. Souvent, ce besoin se fait jour dès l’enfance. Un avant-projet de loi va donc s’adapter à cette réalité. Autre nouveauté, qui touche les adultes : il ne sera plus nécessaire de subir une opération chirurgicale ni d’être stérilisé pour changer de genre.

La loi actuelle sur la transsexualité date de 2007. Mais elle n’est pas conforme aux droits de l’homme. Car elle impose des conditions médicales lourdes à des personnes qui ne sont pas malades ! Elke Sleurs (N-VA, secrétaire d’État à l’Égalité) et Koen Geens (CD&V, ministre de la Justice) déposent ce vendredi en conseil des ministres un avant-projet de loi qui rectifie le tir et surtout qui étend les possibilités aux enfants. Mais qui n’enchante pas encore tout à fait les associations.

Si le texte de Geens-Sleurs passe le cap, il ne faudra plus nécessairement subir d’opération chirurgicale de réassignation de sexe et être stérilisés pour obtenir le changement de sexe sur sa carte d’identité et à l’état civil. Tout se basera désormais sur l’autodétermination. Il suffira de se sentir homme pour demander à devenir « mâle » ou femme pour devenir « femelle ». Pour appeler un chat un chat : un homme pourra devenir femme tout en gardant son pénis et sa barbe. Les procédures seront raccourcies et simplifiées. Il faudra faire une déclaration devant l’officier de l’état civil, qui informera des conséquences de son changement de sexe et qui demandera l’avis du procureur du Roi. Si l’avis est positif, un délai de réflexion de minimum 3 mois et de maximum 6 mois commencera à courir. La personne devra alors se représenter devant l’officier de l’état civil qui modifiera alors l’acte de naissance.

S’il soupçonne un cas de fraude, le procureur du Roi peut rendre un avis négatif. Un athlète par exemple qui fait ça uniquement pour concourir en catégorie femme… En cas de refus, le demandeur peut saisir le tribunal de la famille.

Grosse nouveauté : les enfants. Dès l’âge de 12 ans, ils pourront demander de changer de prénom, pour correspondre à l’identité de genre vécue intimement. Il faudra juste l’accord des parents.

Le mineur devra attendre l’âge de 16 ans pour obtenir le changement de sexe dans l’acte de naissance, avec l’accord des parents toujours et avec l’attestation d’un pédopsychiatre qui devra confirmer que le mineur agit en pleine conscience et sans pression.

« On aurait préféré 6 ans »

Ce nouveau texte va-t-il booster les chiffres relatifs aux transgenres en Belgique ? Selon le registre national, 885 personnes ont obtenu le changement de sexe entre 1993 et (juin) 2016. Dans deux tiers des cas, il s’agit de changements d’homme vers femme (592). « Mais à cause du changement médical obligatoire, ce chiffre ne représente qu’une minorité des personnes transgenres », nuance Luc Demullier, porte-parole de la secrétaire d’État Elke Sleurs. « Il y aurait en réalité 32.000 personnes transgenres en Belgique. Notre projet vise donc à démédicaliser la procédure : on fait désormais la différence entre la biologie et l’identité. »

Du côté des associations, cet avant-projet va dans le bon sens mais ne va pas assez loin.

Supprimer le critère du sexe

« Le gouvernement mélange tout et confond déjà genre et sexe, il ne part donc pas sur une bonne base » , critique Max Nisol, porte-parole de Genres Pluriels qui a planché avec Amnesty, La Ligue des Droits de l’homme, Arc-en-Ciel… sur un projet qui n’est pas celui présenté ce vendredi.

« La démédicalisation est une bonne chose. Pour les mineurs, on aurait voulu permettre à l’enfant de changer de prénom dès l’âge de 6 ans. Hélas, le projet prévoit l’intervention d’un pédopsychiatre, comme si cela était une maladie. Et puis, il évacue toutes les questions annexes sur le vécu quotidien des personnes transgenres. Ce projet évacue aussi toutes les questions médicales. Si par exemple une femme trans demande le remboursement du dépistage du cancer de la prostate, elle risque de ne pas y avoir droit car sur sa carte d’identité, il aura la lettre F (« Femelle »). Idéalement, il faudrait supprimer de nos cartes d’identité le critère du sexe ».

Dès l’instant où le sexe ne se résume plus à l’organe génital.

F. DE H.