entretien
Il y a quelques jours, la plate-forme « Justice pour tous » a affirmé que le nombre de procédures en pro deo avait chuté de 30 % en raison de la réforme du système d’aide juridique aux plus démunis.
Comment expliquez-vous la chutedes pro deo ?
Pour ma part, il y a deux raisons principales. La première est que les avocats ont tout fait pour terminer leurs dossiers sous l’ancien régime. Nous avons eu une augmentation nette des pro deo au cours de l’année 2015-2016. Nous avons dû dépenser 10 ou 15 millions de plus. La deuxième raison est qu’il y a un peu moins de migrants.
Vous comptez lancer une évaluationde la réforme ?
C’est évident, on l’a promis. Après un an de fonctionnement, il faut le faire. On doit examiner si on n’a pas fait des erreurs. Au début 2018, je m’attellerai à cette évaluation dans le délai promis.
L’accès à la justice demeure aussi problématique pour la classe moyenne. Votre projet de lancer une assurance protection juridique abordable est-il en passe d’aboutir ?
Ce projet doit entrer en vigueur en 2018 parce que la déductibilité fiscale des primes est prévue pour cet exercice d’imposition. J’ai donc besoin d’une loi au cours de l’année prochaine. Je suis très loin dans la préparation de cet avant-projet. Pour la profession d’avocat et pour les assureurs, c’est une nouveauté : cette assurance va couvrir un large spectre de l’activité juridique.
La préoccupation du justiciable est celle d’une prévisibilité des coûts…
Oui. Il faut faire en sorte que le justiciable, lorsqu’il est en situation de nécessité, n’ait pas peur d’avoir recours à un avocat. Il y a, je le crois, trois cas dans lesquels la justice devient très importante pour les justiciables. Il y a le roulage, mais ça, c’est réglé. Il y a ensuite le droit familial et principalement le divorce. Et troisièmement, les problèmes liés à la construction. La sécurité juridique est très importante pour une société, comme la sécurité sociale. Il est donc un peu étrange que jamais on ne s’est jamais vraiment occupé de cette sécurité juridique, même si dans le passé M me Onkelinx a essayé. Mais les difficultés qu’elle a rencontrées, je les rencontre aussi.
Quelqu’un qui gagne 1.300 euros par mois ne va pas facilement s’assurer...
Personne ne sait exactement où commence la classe moyenne. Il faudra donc faire encore quelque chose pour permettre graduellement le passage d’un régime à l’autre, entre le pro deo et l’assurance juridique. On doit faire monter les seuils d’admissibilité à l’aide juridique, mais progressivement. On peut imaginer que l’aide juridique reste gratuite pour les plus bas revenus et que même au-delà du seuil de 1.255 euros, cette gratuité reste partielle. Mais ce n’est pas pour cette législature. La situation budgétaire ne le permet pas.
Vous entendez aussi améliorer la médiation, pour éviter le passage par la case justice ?
Je suis pour la médiation parce qu’elle rend possible pour le justiciable de faire partie de la solution et non du problème. Tout dépend de la personnalité des intéressés. Il y en a qui préfèrent qu’un tiers décide. D’autres personnes par contre peuvent se sentir plus heureuses en trouvant une solution à laquelle ils ont participé. C’est pour cela que j’y crois. Pas parce que c’est moins coûteux. Mais parce que c’est plus constructif. Le contentieux reste une solution nécessaire pour certaines personnes.
Le juge ne doit-il plus être là que pour ce qui est d’ordre public ?
Non, le juge est un excellent médiateur. Quand on parle de médiation, on croit trop souvent qu’on parle d’une résolution extrajudiciaire lorsqu’il favorise un règlement à l’amiable. Le but de toute médiation, c’est un règlement qui peut être exécuté et qui est juridiquement correct. Il est très important que ceux qui s’attellent à la médiation connaissent le droit. Les juges et les avocats font partie de cette voie alternative. Je pense aussi que la médiation devrait être une option à analyser dès l’introduction d’une affaire.
Avec, en première ligne, les juges de paix ?
Certains craignaient la suppression de la justice de paix. On maintient cette juridiction de proximité. Je vais, dans les mois qui viennent, renforcer leurs compétences, notamment par le doublement des montants en jeu pour lesquels ils peuvent statuer. Je réfléchis avec eux à d’autres compétences, comme la médiation de dettes, qui sont actuellement du ressort des juridictions du travail.
MARC METDEPENNINGEN