Réforme du droit des associations : quels enjeux pour le secteur à profit social ?

le mercredi 24 janvier 2018 18:38 Unipso

Mesdames et messieurs,  

Je tiens avant tout à remercier UNIPSO et MIAS pour l’organisation de cette journée. Momenten zoals deze, waarop ik de kans krijg om de inhoud van de hervorming te presenteren, zijn voor mij zeer belangrijk. Het geeft de mogelijkheid om aan organisaties, zoals UNIPSO, en haar leden, uit te leggen waarom deze hervorming zo noodzakelijk is en welke impact de hervorming zal hebben.      

La réforme du droit des sociétés et des associations est considérable. Afin de vous en donner un aperçu détaillé, j’articulerai mon discours autour de quatre questions :  

  • Pourquoi une réforme est-elle nécessaire et quelles en sont les lignes de force ?
  •  Quel avenir pour la SFS ?
  • Quel changement pour l’ASBL ?
  • Quel aspect le droit transitoire prendra-t-il ? 
  • Pourquoi une réforme est-elle nécessaire et quelles en sont les lignes de force ?
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Notre droit des sociétés fait l’objet d’une réforme approfondie.  

Elle est due principalement à la rapidité d’évolution de la réalité économique. Depuis un certain temps déjà, notre droit des sociétés ne répond plus aux besoins des entreprises.  

En outre, il est trop complexe. Il existe actuellement une kyrielle de formes de société. Certaines d’entre elles sont à peine utilisées. D’autres sont très rigides et soumises à une surrégulation.  

Enfin, les modifications qui ont été apportées au fil des ans au Code des sociétés n’ont pas toujours été synonymes d’améliorations. Lorsqu’il a fallu transposer de nouvelles évolutions sociales ou économiques dans notre droit, il a souvent été opté pour une législation de réparation plutôt que de viser un ensemble codifié cohérent.  

Comme vous le savez, la réforme du droit des sociétés et des associations émane en grande partie des travaux du Centre belge du droit des sociétés.  

En juillet 2015, le Centre m’a transmis une note stratégique structurée qui formulait des propositions de réforme du droit des sociétés et des associations.    

Le 6 octobre 2015, cette note a été soumise à la Commission du droit économique et commercial de la Chambre des représentants et un groupe de travail composé d’experts a alors été constitué afin de préparer cette réforme.  

La réforme du droit des sociétés et des associations repose sur 3 lignes de force.  

Une simplification approfondie :

Le futur droit des sociétés et des associations sera simple et limpide, grâce à plusieurs actions.  

Avant tout, la distinction entre les actes civils et les actes commerciaux est supprimée. Cette distinction disparaitra par l’introduction d’une nouvelle notion d’entreprise dans le Code de droit économique. En outre, le droit des associations est intégré avec le droit des sociétés dans un nouveau Code des sociétés et des associations. C’est logique, puisque les deux branches du droit sont déjà en grande partie harmonisées.  

A l’avenir, il ne sera plus fait de distinction entre les sociétés, les associations et les fondations en ce qui concerne les activités autorisées. Désormais, les associations et les fondations deviennent des entreprises et pourront, si elles le souhaitent, exercer des activités lucratives, à l’instar des sociétés. Contrairement aux sociétés, où l’enrichissement des sociétaires reste le leitmotiv, les associations et les fondations seront constamment soumises à une interdiction formelle de distribution de bénéfices : elles doivent réserver leurs gains pour leur finalité désintéressée, sans possibilité de distribution. Le critère qui permet clairement de faire la distinction entre les sociétés et les associations est donc l’interdiction de distribution.  

L’intégration de ces deux formes juridiques dans un seul Code ne signifie toutefois pas qu’elles suivront le même régime. A aucun moment, la particularité des sociétés et des associations n’est abandonnée.  

Une simplification approfondie du droit des sociétés implique nécessairement une limite du nombre de formes de sociétés. Concrètement, le nouveau Code des sociétés et des associations retiendra 4 formes de sociétés de base, à savoir la société, la nouvelle SP, la SC et la SA.   

Une flexibilisation approfondie :

Cette réforme insère un droit des sociétés flexible qui est simple et prévisible. Cette flexibilisation se retrouve dans la SP, la SA et la SC, en tenant compte des délimitations contraignantes du droit européen et des intérêts des tiers, dont les créanciers. Dans tous les cas, la flexibilisation ne complique pas la tâche des utilisateurs. Pour cette raison, chaque fois que la loi offre des options ou abandonne une question à la liberté statutaire ou contractuelle, il prévoit une règle par défaut qui se veut claire et qui prévaudra lorsque les parties n’auront pas élaboré de règlement.  

Adaptation aux évolutions européennes.

La jurisprudence de la Cour de justice conduit à des effets indésirables pour des pays qui – comme la Belgique – ont opté pour le système du siège réel.  Combiné avec cette jurisprudence, le système du siège réel aboutit en effet à une situation asymétrique. Ainsi, une société belge ayant son siège réel en Belgique ne peut pas émigrer à l’étranger sans changer de nationalité, alors qu‘une société néerlandaise par exemple, dont la nationalité est rattachée à son lieu de constitution (« incorporation »), peut émigrer en Belgique en conservant sa nationalité. Pour renforcer la sécurité juridique et répondre à la réalité économique et juridique, la réforme opte dès lors pour la théorie du siège statutaire.  

2. Quel avenir pour la SFS ?  

Le profit social prend de l’importance, tant au niveau national qu’international.

Selon le droit actuel, une entreprise sociale peut aujourd'hui venir se greffer sur n’importe quelle forme juridique ou personnalité juridique belge. Le Code des sociétés énumère les conditions auxquelles doit répondre une société qui se définit elle-même comme société à finalité sociale. Ainsi, elle doit par exemple déterminer dans ses statuts que les sociétaires ne visent aucun avantage patrimonial, ou alors de manière limitée. Mis à part le fait qu’elles ne sont pas toutes claires, ces conditions coïncident en grande partie avec celles de la SC (agréée ou non). Ce n’est donc pas un hasard si, actuellement, 85 % des SFS prennent la forme d’une SCRL (agréée ou non), ce qui indique que cette forme légale suffit toujours à offrir une forme adéquate à l’économie sociale. Le problème est que dès lors que personne ne contrôle si une société déterminée satisfait effectivement aux conditions légales lui permettant de s’attribuer la qualification de « finalité sociale », cela revient actuellement à instaurer un autocontrôle pur et simple.  

Pour ces motifs, la réforme opte également pour un agrément, pour la forme légale de la société coopérative, par lequel une autorité publique vérifie si une société déterminée mérite le label d’« entreprise sociale ». Idéalement, cette instance publique est le Ministre de l’Economie, qui actuellement est déjà compétent pour l’octroi du label « SC agréée ».  

En ce sens, il existe 2 manières de calquer l’entreprise sociale sur la société coopérative. Une SC non agréée qui est agréée comme entreprise sociale, est alors dénommée société coopérative agréée comme entreprise sociale, ou, en abrégé, SC agréée comme ES.   

Une société coopérative qui remplit toutes les conditions d’agrément pour une entreprise sociale et toutes les conditions pour un agrément comme société coopérative peut donc cumuler les deux agréments.

 Elle est dès lors une société coopérative agréée à finalité sociale, ou, en abrégé, une SCES agréée.  

Mais qu’advient-il alors des SFS déjà existantes ?  

Dès l’entrée en vigueur de la loi, il ne sera plus possible de mettre sur pied des sociétés à finalité sociale.  

Une période transitoire de 10 ans est prévue afin de permettre aux SFS existantes de s’adapter à la nouvelle législation.  

Les sociétés à finalité sociale existantes à la date d’entrée en vigueur du Code sont présumées agréées comme entreprise sociale. Le Ministre compétent pour l’Economie, qui octroiera à l’avenir l’agrément d’entreprise sociale, peut renverser cette présomption. Si ces sociétés n’ont pas la forme de la société coopérative et si elles souhaitent conserver leur agrément comme entreprise sociale, elles doivent se transformer en société coopérative au plus tard 10 ans après l’entrée en vigueur du nouveau Code.  

Enfin, je dois préciser que désormais, s’il n’y a effectivement aucun but de distribution dans le chef des futurs actionnaires, ils auront de préférence recours à l’ASBL, puisqu’elle peut tout aussi bien avoir des activités économiques pour objet.  

Voilà qui nous amène à parler de l’ASBL.  

3. Quel changement pour l’ASBL ?

Comme déjà énoncé, l’ASBL pourra exercer des activités lucratives contrairement à aujourd'hui, étant entendu que les revenus qu’elle génère grâce à ces activités ne peuvent en aucun cas être distribués. Ce n’est pas le cas de la société, où les revenus doivent être distribués.  

A l’avenir, les ASBL deviendront des entreprises. L’objectif est de donner une large interprétation à la notion d’entreprise, de sorte que l’ensemble des acteurs actifs sur le plan économique, parmi lesquels les ASBL, soient couverts. Excepté le label « entreprise », cela ne change rien dans les faits aux obligations des ASBL, car tant l’obligation d’enregistrement à la BCE que l’obligation de tenir une comptabilité, à savoir deux effets de l’entreprise, sont déjà des obligations existantes pour les ASBL. Maintenant que les ASBL sont des entreprises, elles pourront en revanche jouir du droit à l’insolvabilité, du droit à la preuve d’entreprise et pourront être jugées par le tribunal de l’entreprise.  

La définition même d'une association est également modifiée. Cette définition a été élaborée en étroite concertation avec le secteur et est rédigée comme suit : « Une association est constituée par une convention entre deux ou plusieurs personnes, dénommées membres. Elle poursuit un but désintéressé dans le cadre de l’exercice d’une ou plusieurs activités déterminées qui constituent son objet. Elle ne peut, à peine de nullité, distribuer ou procurer directement ou indirectement un quelconque avantage patrimonial à ses fondateurs, ses membres, ou ses administrateurs ni à toute autre personne, sauf dans le but désintéressé déterminé par les statut. Tout acte contraire à cette interdiction est nul ».    

La définition comporte d’importants éléments :  

Tout d’abord, il est souligné que l’association doit être constituée par deux personnes au moins et qu’elle poursuit une ou plusieurs activités déterminées dans un but désintéressé.

Selon le droit actuel, ce but peut être scientifique, culturel, social, humanitaire ou sportif.  Il peut également toucher à la protection de l’environnement, comme à la défense des intérêts de consommateurs ou d’un secteur professionnel.  

En outre, les associations pourront poursuivre, même à titre principal, des activités économiques de nature industrielle ou commerciale, ceci en vue de se procurer les ressources nécessaires à la réalisation de leur but désintéressé sans devoir recourir à des dons ou des subsides.  

Sous cet angle, elle peuvent donc agir dans un « but lucratif », mais elles ne pourront en aucun cas distribuer leurs bénéfices à leurs membres ou à leurs dirigeants. Par conséquent, l’interdiction de distributions de bénéfices sera à l’avenir la principale distinction entre les associations et les sociétés.  

Cette interdiction de distribution n’empêche cependant pas l’association d’utiliser son patrimoine et ses bénéfices pour les affecter à son objet et à son but désintéressé, notamment pour faire des dons ou des libéralités.

L’interdiction de distributions directes ou indirectes de bénéfices ou d’éléments de patrimoine n'implique pas que les membres d'une association ne puissent tirer aucun avantage de leur statut de membres.  Mais ces avantages doivent se situer dans les limites d'une réalisation normale de l'objet et du but de l'association (il appartiendra alors, le cas échéant, aux juridictions de fond d'estimer si les transferts patrimoniaux se situent encore dans ces limites).  

         Quelques exemples :

- Une association sportive peut autoriser ses membres à utiliser gratuitement ou à prix de faveur les installations sportives dont elle est propriétaire                         

- Un théâtre amateur peut accorder à ses membres ou à des tiers un accès gratuit à des représentations                                                          

- Une association qui se consacre à dispenser des soins médicaux peut les prodiguer gratuitement à ses membres ou leur faire bénéficier d'une réduction, etc.  

Contrairement au fait que les associations pourront à l’avenir exercer des activités lucratives, la réforme ne rompra pas avec le passé, concernant l'interdiction de distribution de bénéfices.   

Enfin, j’aimerais à nouveau insister sur le fait que l’ASBL n’est pas concernée, uniquement par ces faits, par l’impôt des sociétés, même si elle peut à l’avenir exercer des activités économiques. Bien que la fiscalité ne relève pas de mes compétences, j’évoque toujours la situation telle qu’elle est aujourd'hui.  

Actuellement, le fait de savoir si l’ASBL relève de la personnalité morale ou de l’impôt des sociétés est une question de fait. Dans la pratique, le fisc analysera la réalité économique et sur cette base, taxera l’ASBL sous le régime de l’impôt des personnes morales ou celui de l’impôt des sociétés. Le fait que l’ASBL puisse à l’avenir exercer des activités économiques de manière illimitée n’impactera pas l’évaluation menée par le fisc. En outre, et je le répète, une ASBL n’est pas obligée d’exercer des activités économiques et peut donc, comme c’est le cas actuellement, décider de ne pas exercer d’activités lucratives.  

4. Quel aspect le droit transitoire prendra-t-il ?  

Permettez-moi de m’étaler un peu plus sur le droit transitoire. La réforme du droit des sociétés et des associations comporte d’importantes modifications. Pour cette raison, il a été porté une grande attention à la période transitoire qui sera par ailleurs suffisamment longue. 

Tout d’abord, la loi entre en vigueur le dixième jour après sa publication dans le Moniteur belge. A compter de ce jour, il ne peut plus être mis sur pied de formes juridiques qui sont supprimées par la réforme.  

Concernant les sociétés, les associations et les fondations déjà existantes le jour de l’entrée en vigueur de la loi, le Code sera toutefois d’application pour la première fois le 1er janvier 2020. Néanmoins, ces sociétés, associations et fondations peuvent déjà avoir recours au nouveau Code avant 2020, si elles le souhaitent. Enfin, les sociétés, associations et fondations déjà existantes doivent harmoniser leurs statuts avec les dispositions contenues dans ce Code, au plus tard le 1er janvier 2024.  

Pour ce qui regarde les associations et les fondations, il est en outre établi qu’elles peuvent exercer des activités durant 5 ans, dans les limites prévues à l’article 1er de la loi du 27 juin 1921, afin qu’elles puissent disposer de suffisamment de temps pour aborder les effets éventuels ainsi que les conséquences de cette réforme.  

Je vous remercie.