La réforme de la procédure pénale revient à la Chambre

le mercredi 20 mai 2020 14:00 Echo

JULIEN BALBONI

Aujourd'hui à 13:29

Le projet – qui vise à supprimer la cour d'assises et transformer le rôle du juge d'instruction – a été déposé ce mercredi sous forme de proposition de loi par deux députés CD&V.

On imaginait la réforme du code de procédure pénale soigneusement enterrée après la chute de la coalition suédoise, la crise politique et la pandémie. Il n'en était rien. Ce mercredi matin, deux députés CD&V, Servais Verherstraeten et Bergy Slegers, ont déposé devant la Chambre une proposition de loi qui reprend très exactement le projet concocté par cinq experts mandatés, il y a presque cinq ans (!), en juin 2015, par le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V). La proposition de loi pourrait ensuite prendre la direction de la commission Justice où elle fera l'objet de débats serrés, on n'en doute pas.

"On a beaucoup dit que cette réforme vise à donner les pleins pouvoirs au parquet, c'est faux."

LAURENT KENNES

AVOCAT, MEMBRE DU GROUPE DE TRAVAIL

Car le projet est d'une ampleur peut-être jamais constatée en Belgique depuis des... siècles. Si l'on peut résumer un projet de plus de 700 pages en quelques lignes, il vise à transformer la fonction de juge d'instruction en juge de l'enquête, dont le rôle sera de superviser le travail du parquet, devenu le cœur de l'investigation pénale en Belgique. Il ambitionne aussi de supprimer la cour d'assises afin de la transformer en tribunal criminel composé de juges professionnels; il faudra pour cela une réforme constitutionnelle. Il prévoit enfin la réduction du champ de compétence de la chambre du conseil, qui n'aurait plus à statuer au stade du règlement de procédure. Et donc, promettent les auteurs de la proposition de loi, de gagner un temps précieux – entre 6 mois et deux ans – sur la tenue d'un procès pénal.

"Rendre le système plus efficace"

"On a beaucoup dit que cette réforme vise à donner les pleins pouvoirs au parquet, c'est faux", contextualise l'avocat Laurent Kennes, l'un des coauteurs du projet. "L'important est que, en permanence, il y ait un juge, et non pas un procureur, qui décide des actes d'immixtion dans la vie privée."

"Vouloir lancer un tel projet de loi (...) en plein Covid et la crise financière qui va inévitablement suivre, est totalement inopportun."

JEAN-LOUIS DOYEN

COPRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES JUGES D'INSTRUCTION

Le projet avait reçu, à son époque, un aval des différents partis composant la majorité "suédoise". Quid maintenant? Alors que le gouvernement a été – et sera à nouveau sous peu – sans majorité, le CD&V estime qu'il y a une fenêtre d'opportunité. Contacté, le cabinet de Koen Geens indique que le texte "peut être présenté sous forme de projet de loi sans effort supplémentaire. Le Parlement peut alors voir ce qu'il veut faire pour rendre le système plus efficace."

Contacté, Jean-Louis Doyen, coprésident de l'Association des juges d'instruction, s'insurge: "Vouloir lancer un tel projet de loi qui nécessite des moyens financiers supplémentaires importants selon l'aveu même des experts, en plein Covid et la crise financière qui va inévitablement suivre, est totalement inopportun."