Augmentation de la prostitution en Belgique?

op 20 mei 2015 17:44 Parlementaire Vragen

Question orale de Mme Özlem ÖZEN au Ministre de la Justice, Koen GEENS, concernant l’augmentation de la prostitution en Belgique

Monsieur le Ministre,

La presse relate l’augmentation de la prostitution ne se limitant pas aux grandes villes telles que Bruxelles, Liège ou Anvers. S’il est vrai que la prostitution ne constitue pas en tant que telle une infraction, il en est tout à fait différent en ce qui concerne le proxénétisme. Il existerait à ce jour de multiples réseaux issus de pays de l’est, méditerranéens et d’Afrique subsaharienne, pratiquant la traite d’êtres humains dans ce but malheureux et condamnable. Les chiffres sont accablants : 8 prostituées sur 10 seraient victimes d’un proxénète.

Monsieur le Ministre,

J’ai pu lire que la lutte contre le proxénétisme était en bonne voie. Je m’en réjouis mais qu’en est-il exactement : quels moyens sont mis en oeuvre concrètement ? Des collaborations sont-elles établies avec les autorités des pays identifiés comme « berceau » de la traite d’êtres humains ?

Je vous remercie pour vos réponses.

Ozlem ÖZEN

Réponse du Ministre Koen Geens

La Belgique a mis en place depuis longtemps certains dispositifs pour lutter contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle. Si une personne est exploitée sexuellement dans le cadre de la traite des êtres humains, des dispositifs existent pour protéger les victimes. La Belgique était par ailleurs en avance par rapport à l’adoption de ces instruments vu que les premières procédures se sont mises en place déjà au milieu des années 90.

Les dispositifs de protection supposent cependant qu’un certain nombre de conditions soient rencontrées. Il faut notamment que les victimes collaborent avec les autorités et qu’elles soient bien reconnues comme victimes de traite des êtres humains.

Les difficultés sont évidemment multiples car les exploitants tendent, par exemple à créer des situations où une partie de l’argent est rétrocédé aux victimes, de sorte que l’exploitation soit moins évidente à établir ou que les victimes refusent de collaborer avec les autorités. De même, ils peuvent aussi utiliser des techniques de chantage vis-à-vis de la famille restée au pays ou d’autres méthodes pour créer une forte dépendance de la victime à leur égard. Cela complique en tout cas la charge de la preuve. Certaines victimes refusent également de collaborer et préfèrent retourner dans leur pays.

Il y a aussi différentes facettes à l’exploitation sexuelle :

- Il y a par exemple les réseaux des pays de l’Est. Certains utilisent davantage la violence que d’autres pour contraindre les victimes. D’autres vont plutôt utiliser des méthodes subtiles pour asservir les personnes. On connait par exemple assez bien la situation des lover boys – proxénètes qui séduisent des jeunes filles dans un pays d’origine et leur proposent de venir vivre avec eux à l’étranger. Une fois arrivée la jeune fille se retrouve exploitée ;

- Il existe aussi des réseaux d’origine africaine avec l’utilisation par exemple de rituels vaudous pour « assujettir » la victime.

Pour rechercher et enquêter sur les faits de traite des êtres humains, il existe une directive du Collège des Procureurs généraux et des Ministres Compétents qui prévoit notamment la désignation de magistrats de référence « traite des êtres humains » dans chaque arrondissement judiciaire. Ces magistrats doivent organiser régulièrement des réunions de coordination sur le plan local avec les services partenaires (police, services d’inspection, …). Ces magistrats de référence constituent un réseau d’expertise présidé par un magistrat qui exerce le rôle de coordinateur principal. La toute nouvelle version de cette directive vient d’entrer en vigueur ce mois de mai.

Au niveau politique, il existe une cellule Interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains présidée par moi-même dont l’objectif est de coordonner le travail des départements. Le travail y porte de façon globale sur la traite des êtres humains dans ses différentes composantes donc pas uniquement l’exploitation sexuelle (mais aussi l’exploitation économique). La Cellule est en charge de la rédaction du nouveau plan national de lutte contre la traite et suit différentes initiatives par exemple en termes de formation des acteurs de terrain. Dernièrement une formation a été donnée aux tuteurs en charge des mineurs étrangers non-accompagnés pour améliorer la détection et la protection de victimes potentielles.

Chaque département contribue également en fonction de ses compétences aux initiatives qui peuvent être prises. Ainsi l’Office des étrangers participe à des programmes dans certains pays d’origine pour donner une information sur les risques et les filières d’exploitation. La Police fédérale agit également dans le cadre d’enquêtes supranationales en collaborant en particulier mais pas seulement avec les services de police européens. Il y a notamment des officiers de liaison déployés dans le cadre d’accords bilatéraux (12 Officiers de Liaison qui sont responsables pour plus de 12 pays et 5 dans des organisations telles que Europol et Interpol). Ils servent de canal de communication pour faciliter le déroulement d’enquêtes ayant un caractère transnational et sont en contact le cas échéant avec le Service central « traite des êtres humains » de la police fédérale.

Je rappelle par ailleurs que les sanctions ont aussi été fortement alourdies par la loi du 24 juin 2013 qui prévoit désormais que les amendes seront multipliées par le nombre de victimes.

Pour conclure, il faut indiquer que le chiffre de 80 % qui a été évoqué dans la presse serait une estimation haute discutée dans certaines instances internationales et pas spécifique à un pays. D’autres hypothèses existent. Il faut donc prendre ce chiffre avec toute la réserve possible et on ne peut en aucun cas être affirmatif. C’est quelque chose qu’il est évidemment assez difficile d’estimer.

L’image du réseau criminel est parfois également erronée. Dans les faits, on a souvent à faire à des micro-structures criminelles plus ou moins en contact les unes avec les autres, mais on ne rencontre pas automatiquement de « gros réseaux », même si cela existe aussi.