Marronniers : des alternatives à la prison

op 14 december 2015 11:40 l'Avenir (le Courrier de l'Escaut)

TOURNAI

Dès janvier, les Marronniers mettront en placedeux projets: l'un pour de l'accueil longue durée, l'autre pour favoriserun retour à la société…

Denis VANDERBRUGGE

Pour que deux ministres fédéraux – flamands de surcroît – fassent un déplacement conjoint un vendredi après-midi à Tournai, c'est qu'il devait y avoir une bonne raison. Et de fait, Maggie De Block (VLD), ministre de la Santé, et Koen Geens (CD&V), ministre de la Justice, ne sont pas venus aux Marronniers les mains vides. Ils y ont annoncé la création de deux nouveaux services au sein du centre régional de soins psychiatriques (CRP) qui impliquent une collaboration étroite entre leurs deux départements. L'objectif de ces projets est en effet d'éviter la prison à des personnes qui ont besoin d'être soignées.

De Block: «On a été condamnés par l'Europe. Et à juste titre!»

Le premier service est un projet longue durée qui s'intégrera à la défense sociale. Il s'adresse à des personnes déjà internées au CRP «Les Marronniers» mais qui présentent un risque élevé de récidive et constituent toujours un danger pour la société.

«Ce sont des personnes pour lesquelles nous avons déjà tenté des programmes de réinsertion qui ont échoué. Ce projet longue durée arrive en bout de chaîne lorsqu'on se rend compte que, malgré tous nos efforts, il sera complexe de faire sortir le patient à court terme , détaille le Dr Benjamin Delaunoit. Trente places sont créées mais nous espérons en remplir le moins possible. Interner quelqu'un dans un service longue durée, c'est en quelque sorte reconnaître un échec»

Que fera-t-on dans ce nouveau service longue durée? On fera en sorte de poursuivre les soins tout en proposant des projets occupationnels. «Mais ce ne sera pas une garderie, ni un cadre carcéral , prévient le Dr Delaunoit. Le service longue durée n'est pas destiné à garder les patients à vie. Tous les 5 ans, nous procéderons d'ailleurs à une évaluation. Il sera alors décidé de prolonger la personne au sein du service ou de la réorienter.»

Cet accueil longue durée entend répondre aux lacunes qu'affiche la Belgique en la matière. «Cela a longtemps été le talon d'Achille de notre pays , reconnait la ministre de la Santé Maggie De Block. Nous n'avions ni soins ni accueils adaptés. Les patients internés restaient souvent en prison. La Cour européenne a d'ailleurs condamné notre pays à plusieurs reprises. Et à juste titre! Car ces personnes n'ont pas leur place dans une cellule.»

Ce service longue durée, qui ouvrira le 1er janvier, est une première en Wallonie. Il ne nécessitera pas de budget supplémentaire. Les Marronniers feront avec les outils dont ils disposent déjà.

«On a travaillé sur un programme adapté à ces personnes qui fréquentent déjà le centre , complète Maggie De Block. L'objectif est d'avoir une approche spécifique à leur situation qui leur donnera un nouvel horizon.»

Des créations d'emplois

Le fait de ne pas devoir dépenser d'argent pour ce projet longue durée a permis d'investir ailleurs. Le ministère de la Santé public a ainsi débloqué une enveloppe de 564 000€ pour un second projet qui sera lancé au CRP Les Marronniers: «La Canopée». Ce service s'adresse aux patients qui présentent un faible risque de récidive voire aucun. «Ce sont des personnes qui viennent d'un autre service des Marronniers ou de la prison , glisse la ministre De Block. La Canopée les préparera de manière intensive à une réinsertion dans la société. Cela passe par réapprendre des choses du quotidien: faire ses courses, prendre des responsabilités, planifier, rencontrer des voisins ou encore sortir…»

Ce second projet sera lui aussi mis sur les rails le 1er janvier et accueillera 30 personnes. Il sera en outre bénéfique pour l'emploi. Selon la direction du centre régional de soins psychiatriques, il permettra en effet l'engagement d'au moins cinq personnes.