La réponse politique au terrorisme s’organise

op 30 maart 2016 08:39 Le Soir

La commission Terrorisme a voté la création de nouvelles banques de données. Et autorisé les perquisitions 24 heures sur 24.

Au lendemain de l’opération antiterroriste à Verviers (janvier 2015), le gouvernement Michel avait annoncé vouloir « optimiser l’échange d’informations relatives aux terroristes entre les différents services et autorités » . Dans la foulée, Jan Jambon avait annoncé la création d’une « banque de données dynamique » , pour rendre le partage plus efficace. Le cadre légal l’organisant a été voté, ce mardi, en commission Terrorisme – il s’agit du premier projet de loi adopté par cette commission parlementaire mise en place dans la foulée des attentats de Paris. Le sujet était on ne peut plus d’actualité : en filigrane des différents dossiers de terrorisme s’inscrit un dysfonctionnement majeur, le manque de circulation de l’information ( Le Soir de ce mardi). Entre Justice, police et services de renseignement, mais aussi, parfois, au sein des mêmes départements, sans parler des relations chaotiques avec l’étranger. Parmi les moyens avancés par la majorité fédérale pour corriger cela figure précisément la banque de données dynamique.

De quoi parle-t-on ? Les ministres Jambon et Geens – visiblement exténués – en ont détaillé les contours pour les députés. Piqué au vif par la critique du CDH qui déplorait la gestation du dossier, Koen Geens s’est lancé dans une vibrante défense de la suédoise : « Ce gouvernement travaille nuit et jour à la lutte contre le terrorisme. Tant pour adapter la législation que pour améliorer le fonctionnement des services. » Quant à la nouvelle banque de données, « oui, cela a pris du temps, parce que nous avons élaboré le projet en dialogue avec la Commission de la vie privée et le conseil d’Etat » , a insisté le ministre CD&V de la Justice.

Différents niveaux d’accès

En réalité, le projet gouvernemental prévoit de créer… plusieurs banques de données, selon les besoins. Deux sont déjà clairement identifiées. La première doit centraliser toutes les données relatives aux foreign terrorist fighters , et tout autre individu lié à l’extrémisme violent. La seconde, baptisée Joint information box , qui existe déjà au niveau de l’Ocam, doit réunir les informations relatives aux « vecteurs du terrorisme » – exemple tout trouvé, cité par Koen Geens : Sharia4Belgium. On y retrouvera des citoyens, des organisations, des structures. Les nouveaux outils sont dits « dynamiques » parce qu’ils seront consultables en ligne et pourront être alimentés par toutes les instances qui y auront accès. Pour éviter que des informations non recoupées ou non fiables n’y soient diffusées, l’Ocam sera le gestionnaire du contenu.

En pratique, trois types d’accès seront ouverts (voir notre infographie). Les utilisateurs principaux (l’Ocam, la police intégrée, les services de renseignement et de sécurité) pourront consulter la banque de données en permanence ; d’autres ne pourront y avoir recours qu’en fonction de leurs compétences et besoins spécifiques. Enfin, certaines autorités publiques (un bourgmestre, un chef de corps) devront préalablement recevoir l’autorisation des ministres de la Justice et de l’Intérieur. A noter qu’un conseiller en sécurité et en protection de la vie privée devra être désigné, pour les données à caractère personnel. Les informations seront conservées pendant trente ans mais, tous les trois ans, on vérifiera l’utilité de les conserver.

Une couche de plus

au fouillis ?

Fallait-il une nouvelle banque de données alors qu’il en existe déjà « un fouillis » , comme le décrit Laurette Onkelinx ? « Et qu’on pourrait plutôt essayer d’améliorer ce qui existe » , pour Georges Dallemagne ? Des doutes également émis par la Commission de la vie privée et le conseil d’Etat, qui s’interrogeaient sur la pertinence de créer « une nouvelle couche ». Les deux ministres régaliens ont été catégoriques : cet outil est absolument indispensable à la lutte contre le terrorisme, il permettra, par ailleurs, aussi d’améliorer les informations à destination des communes. Quant aux dysfonctionnements apparus dans la circulation des infos, « ils y travaillent » .

Au final, le projet de loi a été adopté à l’unanimité de la commission – ce qu’espérait la majorité gouvernementale, désireuse d’obtenir un large soutien pour ses mesures de lutte contre le terrorisme. Il prévoit aussi la possibilité d’organiser des perquisitions 24 h/24 et étend les méthodes particulières de recherche notamment aux fins de la lutte contre le trafic d’armes. Ces trois mesures doivent encore être approuvées en séance plénière, après les vacances de Pâques.

VÉRONIQUE LAMQUIN