La nouvelle plateforme des avocats lance la digitalisation de la Justice

op 07 juni 2017 09:38 L'Echo

Avec la mise en place de la plateforme pour les avocats, la digitalisation de la Justice est en marche. Les barreaux ont mis 1,5 million d'euros sur la table pour y arriver.

"La Belgique était le dernier royaume de la Justice papier en Europe". Au moment de présenter la mise en place de la plateforme digitale pour les avocats (DPA pour digital platform for attorneys), Jean-Pierre Buyle, le président d'Avocats.be, n'y va pas par quatre chemins. Il faut dire qu'en Belgique, la digitalisation de la Justice n'est pas la dernière des Arlésienne. On ne refera pas tout l'historique, mais l'affaire a, plus d'une fois, tourné au fiasco. Les choses se sont accélérées il y a un an lorsque, sous la houlette du ministre de la Justice, Koen Geens, le SPF Justice a signé un partenariat privé-public (PPP) avec les différents acteurs de la Justice. Depuis, les astres se sont alignés et - la chose est suffisamment rare pour être soulignée - les deux barreaux communautaires des avocats se sont unis pour lancer la DPA. Pour résumer, on pourrait dire qu'il s'agit du troisième axe de cette digitalisation tant attendue. Dans un premier temps, les deux ordres ont créé la carte professionnelle d'avocat. A ce stade, 6.000 avocats l'ont commandée et elle a été activée par 3.000 avocats. Cette carte, identifiant officiellement les avocats, leur permettra de se connecter à la plate-forme afin de déposer des conclusions, de communiquer entre confrères de façon sécurisée ou de communiquer et d'échanger des documents avec les greffes. Le Registre de solvabilité (Regsol) est le troisième axe de cette digitalisation poussée qui, assure le ministre de la Justice, devrait encore déployer ses effets au cours des deux prochaines années.

Passage essentiel

Venu saluer la mise en route du projet, le ministre de la Justice a appelé chaque avocat à profiter des opportunités offertes et à se joindre à la plateforme dans les meilleurs délais., rappelant que ce passage du papier à un environnement digital était essentiel à l'heure du "big data" et de l'intelligence artificielle. L'opération, on s'en doute, a un coût. A ce stade, les deux ordres ont mis 1,5 million sur la table; des dépenses qui devraient être récupérées par le paiement de redevances pour chaque opération effectuée sur la plateforme. Le ministre et les présidents des ordres en sont certains, le gain de temps et d'efficacité pour les avocats l'emportera largement sur l'aspect coûts.

Lors de la présentation de la plateforme, Jean-Louis Joris, le responsable IT d'Avocats.be, a reconnu que le lancement d'un tel outil pris en charge par les ordres n'avait rien de naturel ou d'évident pour les avocats. "Appartient-il au barreau d'assurer une responsabilité qui incombe à l'État?", s'est-il demandé, cherchant probablement à esquiver des questions qui, à tous les coups, seront posées. Expliquant que l'informatisation de la Justice était une des voies de la survie de la profession d'avocat, Jean-Louis Joris a précisé que les avocats avaient compris l'intérêt d'évoluer avec une Justice moderne, connectée.

Ce lancement de la DPA est la coopération la plus poussée entre Avocats.be (les barreaux francophones et le barreau germanophone) et "l'Orde van Vlaamse Balies" (barreaux flamands) depuis la disparition de l'ordre national des avocats il y a 15 ans. Un cadre juridique devrait être mis en place pour pérenniser cette collaboration informatique. "Nous sommes devenus des opérateurs et des gestionnaires de systèmes informatiques au bénéfice du justiciable", a assuré Jean-Pierre Buyle, pour qui cette informatisation de la Justice "donne au barreau un sentiment d'audace et de modernité montrant que nous pouvons accomplir ensemble de grandes choses".

NICOLAS KESZEI